J'ai encore mal à l'épaule, mais c'est normal puisque c'est assez récent, cette blessure. Quand bien même j'ai le bras en écharpe depuis plusieurs jours, j'ai quand même tenu à aller voir l'entraînement au club de judo. Le docteur m'a interdit de faire du sport pendant deux semaines, mais...mais... c'est difficile pour moi! Maintenant que je n'ai plus de pilules, le sport reste le seul moyen de me canaliser. Sans ça...je suis une pile électrique! J'ai quand même le droit de faire quelques trucs quand même, tant que je n'utilise absolument pas mon bras gauche de l'épaule jusqu'à la main. Je suis quand même en kimono, et j'écoute tout ce que le sensei nous apprend. Il ne faut pas que je rate une seule leçon, ou je risque d'être un petit peu perdu après! Je suis quand même doué en judo parce que j'ai appris un peu avec Sarino sensei, mais c'est pas l'art martial que je préfère. C'est pas grave, je continue quand même de m'entraîner tout seul au dojo que Nii-san m'a montré! Enfin j'y suis pas allé depuis un moment, mais quand même.

Mi-chan et moi, maintenant, on est plus que des copains. On est des amoureux. Mais pour le moment, on l'a dit à personne...parce qu'on veut rester discrets, pour être sûrs que personne ne nous embêtera. Ca finira bien par se savoir, de toute façon les gens croient déjà qu'on est ensemble...mais pour le moment, c'est un moyen d'éviter les problèmes. C'est Mi-chan qui l'a dit, et...en fait, je suis pas très à l'aise d'avoir un amoureux. J'en ai jamais eu donc...c'est tout nouveau pour moi! On se tient à peine la main et on se fait seulement des bisous quand on est cachés. C'est un petit peu triste, mais ça va venir avec le temps, je le sais!

C'est pourquoi quand je l'aperçois dans l'entrebâillement de la porte, je ne réfléchis pas plus que ça. C'est mon Mi-chan, c'est mon copain de toujours et pour toujours. Je vais lui faire un bisou même s'il y a des gens. Ca a l'air de le surprendre...mais puisqu'il m'en réclame encore, je lui en fais plein! De toute façon, personne ne regarde par là, ne?

"Oui, il reste encore un petit peu de temps...après on salue le sensei, et après c'est fini! Juste le temps de me rhabiller, ne?"

Mi-chan ne peut pas rester malheureusement, mais c'est pas grave. Je ne serai pas long de toute façon, je suis toujours rapide à m'habiller...l'habitude, depuis que je suis tout petit je vais faire du sport avec Sarino sensei donc je dois enlever un kimono très vite! Je le regarde partir, des étoiles dans les yeux comme chaque fois que je le vois. Je crois que plus le temps passe, plus je deviens amoureux. C'est un peu effrayant.

"Eh? C'est ton petit copain maintenant, Sanada?"
"Euh...oui. Enfin...tu le dis à personne, ne?"
"Pourquoi? Vous êtes mignons ensemble."
"Merci! Mais euh...c'est nouveau pour moi, alors je préfère pas prévenir tout le monde, ne?"

Le ii garçon me sourit en me tapotant le dos. Lui, il est toujours gentil avec moi même si je me souviens jamais de son nom. Il faut dire qu'il n'est pas dans ma classe, mais il est quand même fort en judo. Je l'aime bien...mais...si lui a vu, alors les autres aussi. C'est gênant.

Nous finissons malheureusement un peu en retard, et Mi-chan n'est pas revenu. Il a dû rester aux toilettes pour être sûr que je ne le cherche pas partout! Je me dépêche de sauter dans mes vêtements, jette pêle-mêle le kimono dans mon sac de sport et sautille jusqu'au premier étage. J'ai mis cinq minutes de plus pour tout terminer. Seulement cinq minutes...c'est pas grave, ne?

EXORDIUM.

Le couloir est désert, Mi-chan doit encore se pouponner dans les toilettes. Je sais qu'il met parfois du temps, parce qu'il veut être ii pour que tout le monde le trouve joli. Moi, je le trouve aussi joli quand il est pas trop maquillé...quand il dort avec moi et se réveille plus maquillé du tout, je l'aime beaucoup. Mais j'aime aussi quand il se maquille, parce qu'il ressemble à une jolie madame. En tout cas, je sais pas combien de temps ça prend, mais il est quand même long...et...

J'ai entendu crier. Une voix que je commence à bien connaître maintenant, puisqu'il s'agit d'un méchant garçon qui aime faire du mal à Mi-chan en l'insultant et le rabaissant. Moi aussi il me fait mal, mais j'ai l'habitude alors...je dis jamais rien. Sauf que là, il n'a rien à faire ici. Ni lui, ni les autres. Et surtout pas...dans les toilettes des filles. Pourquoi est-ce qu'ils sont dedans? Et où est Mi-chan? Je suis gêné d'ouvrir la porte parce que c'est chez les filles, mais je commence à m'inquiéter.

"Mi...chan...?"

Je ne sais pas ce qu'il se passe. Tout ce que je sais, c'est que la colère monte en moi. Mon sang bouillonne, mes mains tremblent et mes yeux lancent des éclairs à l'attention des quatre types qui entourent mon Mi-chan. Je crois qu'on me parle. Qu'on me crie dessus, qu'on se moque de moi. Mais moi, je n'entends plus rien. Mes poings volent, s'écrasent sur la figure de Wataru qui s'est un peu trop approché de moi. Il finit sonné par terre, et c'est le début du massacre.

Je ne les laisse pas s'échapper. Quand l'un d'eux s'approche un peu trop de la porte, je le tire à moi pour lui envoyer une fois encore mon poing dans les côtes ou la tête. Mes mains sont pleines de sang, mon uniforme aussi, et je crois que c'est autant le mien que le leur. Je ne sens pas la douleur, pourtant je sais que mon épaule s'est rouverte. Je m'en fiche. Tout ce qui compte à cet instant, c'est de tuer ces quatres garçons. Les détruire. Les tuer rien qu'avec mes poings. Je retourne d'un coup sec le bras de Jiro, puis le balance contre le mur où il s'assomme tout seul. Je brise le nez de Masato, l'envoie contre Haruo qui s'est tordu la cheville tout seul comme un idiot. Masato qui parvient malgré mes efforts à fuir la scène...tant pis. Je me contenterai des trois autres pour l'instant. Surtout de Wataru.

Assis sur le bassin du chef des idiots, je m'acharne sur son visage qui devient peu à peu méconnaissable. Son arcade, son nez, ses lèvres gonflées, même ses yeux saignent abondamment, et il est à deux doigts de tomber dans les pommes. Moi, je ne fais que répéter inlassablement la même phrase.

"Tu as...touché...la culotte de Mi-chan. Tu l'as...touché."

Je ne suis plus moi-même depuis un moment. Le temps s'est arrêté, un peu comme dans un jeu vidéo. Je suis seul contre trois autres types et je ne les laisserai pas s'échapper. Je ne dois pas...non...pourtant, des mains puissantes commencent à m'agripper par derrière pour m'éloigner d'eux. Des renforts?! Ils ont appelé des renforts! Je me débats comme un diable, tente de m'échapper pour finir le travail, alors que les trois sont recroquevillés au fond de la pièce. Quatre personnes sont autour de moi, à me tenir chaque membre pour me plaquer au sol. Je suis incapable d'être rationnel. Ils veulent seulement m'empêcher de protéger Mi-chan...de me racheter pour l'avoir abandonné quelques minutes.

Soudain, je sens une immense fatigue s'abattre sur moi. Un peu comme si j'avais pris trop de pilules, sauf que j'en prends plus depuis longtemps. Je me débats plus difficilement, je n'y arrive plus...mes yeux cherchent Mi-chan, je croise enfin son regard. Il a...peur de moi...? Le noir m'enveloppe d'un seul coup. Est-ce que je suis en train de mourir...?

EXORDIUM.

J'ai l'impression d'être tombé dans un autre monde. Mon corps refuse de bouger, mon esprit est perdu dans un noir complet qui m'effraie plus qu'il ne devrait. Est-ce que c'est ça, la mort? Pourquoi suis-je mort, au juste? Je ne me souviens plus très bien de ce qu'il s'est passé. J'étais au judo...puis j'ai rejoint Mi-chan...et...

Tout à coup, tout me revient d'un seul coup à l'esprit, bloquant au passage ma respiration déjà irrégulière. Wataru et sa bande. Mi-chan par terre. Mi-chan déshabillé. Mi-chan en sang...cette vision qui m'a rendu fou, cette envie de tout détruire et de buter tous ceux présents dans la pièce à l'exception de mon Mi-chan. Je ressens toujours cette colère, mais elle me paraît si loin...je sens des gouttes tomber sur mon visage. Est-ce que je suis en train de pleurer? Alors...ça veut dire que je ne suis pas mort, ne? J'ai mal aux mains...à l'épaule aussi, foutue blessure. Je commence à ressentir petit à petit chaque parcelle de mon corps, même s'il me paraît toujours aussi lointain. Je ne sais pas ce qu'il se passe. Tous ce que je sais, c'est que j'ai envie de retrouver Mi-chan. Je ne veux plus jamais le quitter.

Mais alors que je me demandais justement comment rester en permanence à ses côtés pour le protéger, une dernière vision apparaît juste sous mes yeux. Celle de son regard, ces yeux qui avaient l'air effrayé de me voir avant que je sombre dans le noir. Mi-chan a peur de moi...il a peur parce que je me suis transformé en berserk un moment, le temps de faire le ménage autour de lui avant de me faire arrêter par je ne sais qui. Peut-être qu'il a peur que je lui fasse du mal. Mais je ne lui ferais jamais de mal...je l'aime...je l'aime assez pour risquer ma vie juste pour lui.

Le noir se dissipe petit à petit, et je peux ouvrir les yeux...pour les refermer aussitôt. Il fait beaucoup trop blanc dehors! Je sais pas trop où je suis. A l'hôpital, peut-être? J'ai mal partout, ça doit être le contrecoup de la bagarre. J'entends des gens autour de moi. Des voix inconnues...mais je ne peux pas rester ici. Je dois retrouver Mi-chan.

"Mi...chan..."

J'ai du mal à parler, comme si ma bouche était toute pâteuse. Ca doit être le truc pour m'endormir de tout à l'heure. Alors je n'ai fait que dormir, hein? Je me suis endormi alors qu'il fallait que je termine le travail...quel idiot...j'ouvre les paupières d'un coup, et me redresse aussi sec malgré les protestations des gens autour. J'ai des bandages partout. Sur l'épaule évidemment, pour ne pas changer...mais aussi sur les deux mains, des doigts jusqu'à la moitié de mes avant-bras. Je suis une petite momie comme ça...je pourrais trouver ça amusant, si je n'étais pas paniqué à l'idée de ne pas voir Mi-chan à côté.

"Je veux aller voir Mi-chan."
"Vous ne pouvez pas bouger d'ici pour l'instant, jeune homme, il faut..."
"Je veux voir Mi-chan."
"Non, vous ne pouvez pas. Il faut encore qu'on vous..."
"JE VEUX VOIR MI-CHAN."

Ils ne comprennent pas. Ne veulent pas comprendre. Je me dégage sans peine des trucs qui sont encore sur mon torse, roule hors du lit malgré les barreaux et me précipite dans le couloir. Je suis presque tout nu, j'ai seulement mon boxer et une espèce de chemise bizarre à pois, mais je m'en fiche complètement. Je veux seulement retrouver Mi-chan. Je l'appelle d'ailleurs dans tout l'hôpital, sans vraiment savoir où chercher...c'est grand un hôpital, et les médecins essayent tous de m'attraper...je veux juste revoir mon Mi-chan, m'assurer qu'il va bien, qu'ils ne lui font pas de mal, m'excuser de ne pas avoir pu le protéger et...je veux lui faire un câlin. Le rassurer. Lui promettre que je ne laisserai pas ça impuni, que je le vengerai. Je devrais peut-être me couper le petit doigt pour avoir failli à ma mission, ne? Mais ça ne concernait pas le clan...alors peut-être que je devrais pas...la douleur de son dernier regard, de cette dernière vision que j'ai de lui a été suffisante pour me blesser définitivement.

EXORDIUM.

Je suis dans un vrai cauchemar. Non, je ne dois pas voir ça comme ça...je dois rester positif, même si c'est compliqué dans cette situation. Toujours être positif, toujours voir le bon côté des choses et apporter la joie et le sourire aux autres. Rester pur, innocent, naïf et idiot comme je sais si bien le faire, pour ne pas déstabiliser les autres et pour être certain que jamais le malheur ne s'abattra de nouveau sur moi. Depuis la mort de papa, je n'ai pas ressenti une telle douleur à la poitrine. C'est comme si on m'avait arraché le coeur pour le découper sauvagement...comme si quelque chose s'était brisé en moi. Cette douleur, j'en ai eu un aperçu lorsque Nii-san a été attaqué l'an dernier. Cette impression d'impuissance que j'ai ressentie...mais cette fois-là, ce n'était pas si grave que ça au final. Il a survécu à la balle, et il s'en est plutôt bien remis. Je me suis entraîné pendant des heures au dojo, j'ai fait deux fois plus de musculation pendant quelques semaines histoire d'être certain d'être prêt au cas où il arrive ce même genre de choses une autre fois. J'ai tout fait pour protéger ceux que j'aimais.

C'est pour ça qu'aujourd'hui j'ai si mal au coeur. L'impuissance que je ressens cette fois, c'est la même que j'ai ressentie il y a des années lorsque j'ai appris par hasard la mort de papa. Cette sensation que j'aurais dû faire quelque chose, mais qu'une fois encore j'ai été trop stupide pour agir. J'ai tabassé les méchants après coup, mais ce n'était qu'une vengeance au goût amer. Le mal était déjà fait, et c'est entièrement ma faute. J'aurais dû être plus rapide...le garder près de moi, l'empêcher d'aller seul là-bas...il n'avait qu'à m'attendre cinq minutes, dix au maximum, et nous allions ensemble aux toilettes où nous aurions pu nous défendre tous les deux. Mais ce n'est pas comme ça que ça s'est passé. Et nous voilà tous les deux à l'hôpital, séparés encore une fois. Mais plus pour longtemps.

J'ai à peine le temps de voir une touffe de cheveux roses que je me précipite sur mon Mi-chan pour le serrer très fort dans mes bras. Affaiblis tous les deux pour des raisons différentes, nous tombons à genoux au milieu du couloir à simplement profiter l'un de l'autre. Mi-chan pleure, mais moi je reste fort. Je n'ai pas le droit de pleurer, parce que je dois être très solide pour lui. Pour Mi-chan. A partir d'aujourd'hui je le sais, je ne vivrai que pour lui.

"Mi-chan...je suis désolé...est-ce que tu me pardonneras un jour? Je t'ai laissé seul avec eux...mais tu sais, Mi-chan...ça n'en restera pas là. Je vais te venger, Mi-chan...je vais les tuer pour être certain qu'ils ne te feront plus jamais de mal. Je t'aime, Mi-chan...je te laisserai plus jamais seul!"

Les infirmières essayent de nous séparer une fois encore, mais je tiens bon. Il est hors de question que je le laisse seul maintenant, pas même dans cet hôpital. Je refuse catégoriquement qu'il s'éloigne de plus de quelques mètres de moi. Ils veulent me sédater de nouveau, heureusement un médecin accepte que je reste à ses côtés. Après tout, je suis déjà traité, non? Je ne suis pas du tout présentable, mais ma blessure ne risque plus rien. Et je suis bien réveillé, il me semble. Ils vont me laisser avec Mi-chan, non? Je ne lâche plus mon amoureux, tenant fermement sa main dans la mienne. Il faudra me tuer pour que je la lui lâche!

EXORDIUM.

"Bien sûr que je viens avec toi."

Nous allons sortir dans la cour, et les docteurs ne peuvent pas nous en empêcher. De toute façon s'ils essayent, je vais m'énerver! Je suis fort, et je peux me défendre tout seul sans qu'on puisse me planter une nouvelle aiguille dans le bras. Ca m'a vraiment mis en colère qu'on m'empêche de venger Mi-chan comme ça, quand même. Du coup, je gronde le médecin qui veut récupérer Mi-chan en le gardant tout contre moi, debout maintenant quand même. Je ne suis pas très habillé, mais je m'en fiche. On va seulement dans la cour intérieure, seuls les malades peuvent nous voir alors c'est pas grave!

J'aide Mi-chan à marcher jusqu'à la cour, dans l'ascenseur et tout. Je ne veux pas qu'il force trop, il risque d'avoir mal...moi? Mon épaule me lance, mais je m'en fiche. Tout ce qui compte, c'est que Mi-chan se sente bien. Je l'installe sur un petit banc, et m'assois seulement à côté de lui une fois certain qu'il est bien calé et qu'il ne risque pas de tomber si jamais il fait un malaise. Je le regarde d'un air un peu niais, mais fais la moue quand il s'excuse de ne pas être joli.

"Tu es toujours joli, Mi-chan. Même comme ça. Même quand tu ressembles à un garçon."

Je soupire, lève les yeux vers le ciel pour regarder les nuages. C'est calme, ici. Ca me fait un peu peur, je n'aime pas quand c'est trop calme...ça me rappelle les couloirs de l'école, et ces couloirs me rappellent ce qu'il vient de se passer. J'esquisse un sourire sans quitter le ciel des yeux.

"Tu sais Mi-chan, je crois que je comprends Nii-san avec Dai-kun..."

Il ne voit pas où je veux en venir. C'est normal...il n'est pas dans ma tête!

"Dai-kun a plein de cicatrices de quand il vivait à Shinjuku, et...il aimait pas être prostitué, alors c'est un peu comme si des gens lui faisait l'amour sans qu'il accepte. Du coup maintenant il aime pas trop montrer ses cicatrices et je crois qu'il a même peur des fois de faire l'amour avec Nii-san...mais Nii-san l'aime quand même beaucoup, il le trouve même encore plus beau parce qu'il est pas absolument parfait. Et ça lui donne envie de le protéger."

Je crois que Mi-chan ne comprend pas tellement ce que je veux dire. Je sais très mal expliquer, c'est vrai...mais je veux le rassurer, alors il faut que j'explique un peu mieux que ça!

"C'est pour dire que...c'est pas parce que tu es blessé ou que ces types ont fait n'importe quoi avec toi que je vais pas t'aimer. Et si tu as des cicatrices, c'est pas grave! Moi aussi j'en ai plein, tu sais? Tu les as vues...sur moi ça fait viril je trouve. Et comme ça on est assortis! Quand je vois tes blessures, ça me donne encore plus envie de te protéger et...et de t'aimer. C'est pour ça que je comprends Nii-san, ne?"

EXORDIUM.